Les prémices de la cavalerie belge (1706-1830)
Si on retrouve des actions de chevaliers « belges » lors des croisades ou déjà à la bataille de Hastings ou encore à celle de Bouvines en 1214, ce n'est qu'à la fin du 17ième siècle qu'on trouve des escadrons de cavaliers belges au sein de régiments réguliers au service de la couronne espagnole. Les trois premiers régiments de cavalerie (deux de Dragons et un de grosse cavalerie) tirés des provinces belges sont levés par un Décret du 4 juillet 1706: ils ont pour commandant, respectivement, le Prince Ferdinand de Ligne, le Comte de Holstein et le Comte de Mérode, marquis de Westerlo.
La période autrichienne
La paix d'Utrecht de 1713 fait passer la souveraineté sur nos provinces de la branche espagnole à la branche habsbourgeoise des descendants de Charles-Quint. L'Autriche s'installe pour une occupation permanente et forme un corps de Dragons des débris des régiments levés 7 ans auparavant : le Comte Charles Daun en est le colonel-commandant, le Comte de Mérode Westerlo, le colonel-propriétaire. Ces Dragons ont belle allure, avec leur habit rouge, le tricorne noir galonné d'or, la perruque poudrée. A la mort de ce dernier, le Prince Ferdinand de Ligne devient colonel-propriétaire et leur donne cet habit vert bouteille, aux revers, collets et retroussis amarante, sous lequel ils vont s'immortaliser ...
Dragons Légers
Au cours de la guerre de sept ans, on voit les Dragons de Ligne, sous le commandement du Colonel de Thiennes, prendre en 1757 une part particulièrement brillante à la bataille de Kollin : l'impératrice Marie-Thérèse, en souvenir de ce fait d'armes, leur attribue un étendard portant une rose bordée d'épines, avec la devise « Qui s'y frotte s'y pique ». Ce régiment prendra, au gré des différents propriétaires, les noms de Dragons de Löwenstein, de Saint-Ignon, d'Arberg...
En 1789, il tient garnison à Mons, appartenant un instant au Duc d'Ursel, puis bientôt au Comte Maximilien de Baillet-Latour, sous le nom des « Dragons de Latour ».
Entre 1792 et 1815, les Dragons de Latour (devenus Chevau-Légers en 1802 et passés au Baron de Vincent à la mort du Feld-Maréchal de Latour) participeront à quelque 115 combats ou batailles et perdront 98 officiers et 1700 dragons.
En 1814 il reste encore 250 cavaliers « belges ». En 1843, l'empereur Ferdinand convie à la table de la Hofburg les quatre derniers survivants des batailles du début du siècle et en 1854, le régiment, qui n'est plus qu'une survivance historique des anciens Dragons de Latour, prend le nom de Windisch-Graetz, nom qu'il conservera jusqu'à la guerre de 1914.
La période française
Pendant la période de domination française de 1795 à 1814, les contingents recrutés sur le territoire de la Belgique sont indifféremment répartis entre toutes les unités des armées de la République et de l'Empire. Certains corps, toutefois, par suite de circonstances particulières, conservent un caractère plus ou moins régional. Ainsi, le régiment de Chevau-légers exclusivement belge est créé à Liège par décret impérial du 30 septembre 1806 ; il deviendra le 27ième Chasseurs à partir de 1808. Le Prince Prosper d'Arenberg qui l'organise est son premier colonel. Dans les autres régiments de la cavalerie impériale, beaucoup d'officiers originaires des départements belges se distinguèrent sur les champs de bataille contre les cavaleries ennemies : un grand nombre seront décorés de la Légion d'Honneur au service de la France de 1803 à 1815.
Hussard belge
La légion belge de 1814
Après la capitulation de Paris, et comme conséquence de l'Armistice du 6 avril 1814, les soldats belges de la Grande Armée, qui partout s'étaient illustrés et avaient provoqué l'admiration de leurs frères d'armes, sont dirigés sur Lille, licenciés et renvoyés dans leur patrie.
La plupart, cependant, reprennent du service dans les régiments recrutés sur le territoire national qui vient d'être annexé au royaume des Pays-Bas. Trois noyaux de cavalerie faisant partie de la « Légion belge » (avec dix Corps d'Infanterie et un d'Artillerie) voient le jour :
- Dès le 13 février 1814, le Duc de Saxe-Weimar, représentant des Alliés, autorisait le Comte van der Burch à lever un régiment de « Chevau-Légers » ;
- Le 1er mars, le Régiment de « Hussards Belges » est mis sur pied par le Prince de Croy ;
- A partir du 14 septembre, le Régiment de « Carabiniers Belges » est formé.
Carabinier
Entre-temps, les Puissances alliées décident de nous « amalgamer » à la Hollande et sur base d'une nouvelle organisation de l'armée des Pays-Bas prescrite par le Roi Guillaume le 21 avril 1815, nos trois régiments reçoivent une dénomination nouvelle, respectivement, les Dragons Légers n°5, en habit vert à haut col jonquille, pantalon gris et un shako évasé remplaçant le casque des « van der Burch », les Hussards n°8, en dolman bleu de ciel tressé de blanc, appelés aussi « Hussards de Croy », et les Carabiniers n°2, en habit bleu à plastron écarlate et casque à chenille noire.
Ces trois régiments sont engagés en 1815 à Waterloo où ils retrouvent en face d'eux leurs anciens frères d'armes.
Carabiniers N°2
Les trois sont très sérieusement éprouvés au cours de la journée de Waterloo où la moitié de leur effectif est mis hors de combat, témoignant de la violence de l'engagement : beaucoup de belges se verront octroyer un peu plus tard l'ordre militaire de Guillaume pour la belle attitude qu'ils y avaient montrée. Ils allaient, un peu plus tard, dans les luttes pour notre indépendance, trouver une nouvelle occasion de se manifester.
De 1815 à 1830, Dragons et Hussards continuent à se recruter en volontaires, tandis que les Carabiniers, mués en « Cuirassiers », reçoivent des miliciens ; ils prendront la dénomination d' « Afdeeling », tout comme les régiments d'Infanterie.
La naissance de la cavalerie belge (1830)
1830. La Belgique vit ses premières heures d'indépendance. Au lendemain des événements de septembre, le Gouvernement Provisoire multiplie ses efforts pour se constituer une force militaire capable de chasser l'ennemi hors du territoire.
Le Colonel Jolly, membre du gouvernement provisoire, de concert avec le Général Goethals, se lance dans la tâche difficile de regrouper, d'encadrer et d'organiser les anciennes « Afdeeling » hollandaises dont il ne restait que les éléments nationaux en vue de constituer quelques régiments de cavalerie et batteries d'artillerie. On procède de la manière suivante : les anciens soldats sont soit rappelés dans leur Quartier, soit invités à constituer des Régiments.
C'est ainsi qu'un appel lancé aux cavaliers amène le groupement d'un lot d'ex-Hussards N°8 à former l'ossature du 2ième Chasseurs à Cheval et d'un autre lot de Dragons N°5 à former la base du 1er Lanciers. Des Cuirassiers N°2 donnent naissance à notre 1er Cuirassiers et des cavaliers d'autres unités de cavalerie créent le 1er Chasseurs à Cheval et le 2ième Lanciers.
A cette époque, les volontaires et miliciens belges appartenant à l'armée des Pays-Bas n'ont plus qu'un souci, se ranger sous le drapeau aux couleurs brabançonnes et embrasser la cause de notre indépendance : parmi eux, les frères Lucas. L'aîné, Charles-Alexandre, servait dans la cavalerie hollando-belge, fut blessé à Waterloo et démissionna comme maréchal de logis en 1826.
Le puîné, Alexandre-Joseph, est en 1830 simple soldat au régiment des Cuirassiers n°2. Il déserte avec armes, bagages et monture dès le 8 septembre 1830 et parvient à entraîner avec lui onze Cuirassiers. La petite troupe chevauche jusqu'à Liège et participe avec l'autre frère Lucas à divers coups de mains avec les troupes révolutionnaires.
Le 16 octobre 1830 le gouvernement provisoire prévoit par décret la formation de onze régiments d'Infanterie, six régiments de Cavalerie (deux de Lanciers, deux de Cuirassiers et deux de Chasseurs) et deux régiments d'Artillerie.
Alexandre est nommé capitaine dans un des régiments de Cuirassiers qui doit être recruté incessamment. Cependant, supportant avec peine cette inactivité momentanée, Lucas rassemble avec son frère quelques sous-officiers et soldats d'origine belge appartenant à son ancien corps et à des Dragons hollandais congédiés et forme une compagnie franche de cavaliers à laquelle il donne le nom de "Cosaques de la Meuse".
Cette compagnie deviendra en février 1831 « Compagnie des Guides de la Meuse » et donnera naissance au Régiment des Guides.
Extraits de "Les Guides, 175 années d'histoire" , Colonel Jean Paul Warnauts, Dunik , Skopje, 2005.